Dans ce podcast, Gilles Daveau explore la croyance selon laquelle « on devient ce qu’on mange ».
Bien au-delà des nutriments, ce que nous mangeons reflète nos idées, nos valeurs, nos identités.
Viande, soupe, légumes… chaque aliment porte une charge symbolique qui influence nos choix.
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« Cuisiner les légumes »
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Lundi 5 mai Ă 12h30
Mardi 6 mai Ă 20h00
Vous écoutez un podcast de Gilles Daveau, cuisinier et formateur pour Alternative Cuisine.
Il faut manger de la cervelle pour devenir intelligent.
Dans la première partie de ce podcast, je vous invite Ă rĂ©flĂ©chir Ă ce qu’implique cette certitude très partagĂ©e
: « on devient ce qu’on mange ».
Alors manger de la cervelle pour devenir intelligent, plus personne n’avale ça, mĂŞme s’il reste un grand-père pour nous le suggĂ©rer, avec un petit clin d’Ĺ“il entendu.
D’ailleurs, peu d’entre nous mangent de la cervelle et pas sĂ»r que ça ait impactĂ© notre quotient intellectuel !
Personnellement, mon père m’a dit des centaines de fois et avec plus ou moins de sĂ©rieux, qu’il faut manger de la soupe pour grandir.
Un peu comme une plante qu’on arrose pour qu’elle pousse. Soucieux de lui plaire, bien qu’un peu sceptique, j’ai toujours bien mangĂ© ma soupe.
Et on peut penser que ça marche, hein ! J’ai quand mĂŞme frĂ´lĂ© les deux mètres de haut avant de me voĂ»ter un peu avec les annĂ©es. Mais je ne crois pas avoir convaincu qui que ce soit.
Pourtant, ces deux exemples sont loin d’ĂŞtre insignifiants : ils traduisent un fonctionnement fondamental des ĂŞtres humains avec la nourriture.
Nous attribuons aux aliments des caractĂ©ristiques et des vertus, souvent par analogie selon ce qu’on pense qu’ils sont, ou ce qu’ils reprĂ©sentent pour nous. En les mettant dans notre bouche, en les avalant, en les digĂ©rant… bref, en les incorporant, nous pensons que nous nous attribuons ces caractĂ©ristiques, concrètement ou symboliquement.
Une de ces analogies alimentaires les plus courantes concerne la viande. Pour beaucoup, ces protéines, ces muscles issus des animaux, servent à nourrir nos muscles et donc ils donnent des forces.
Cette certitude est encore très unanimement partagée pour une grande partie des personnes ayant une activité physique demandant des forces. C’est une croyance partagée aussi par leurs proches.
Tous sont sûrs, d’une certaine façon, qu’il faut manger des muscles pour avoir des muscles et de l’énergie.
Dans les années cinquante, l’écrivain Roland Barthes a publié un livre intitulé Les mythologies. Il contenait un célèbre texte sur le beefsteak-frites et sa puissance symbolique. Et sur sa dimension sanguine, qui fait que celui qui mange ce beefsteak frit s’assimile la force taurine, celle du taureau.
Et plus encore dans ces années d’après-guerre où ce steak, rouge comme le vin, est devenu un symbole d’identité française, conférant à celui qui en mange la qualité de patriote. Eh oui!
Dans le registre des analogies, certains ne sont pas loin de penser qu’en mangeant trop de légumes, on deviendrait un peu légume, confortant l’image du végétarien maigrichon et faiblard, animé parce que sa nourriture n’est pas assez saignante.
Bon, tous ces clins d’œil nous renvoient à une certitude : nous adhérons profondément à l’idée qu’on devient ce que l’on mange, mais pas tellement pour les nutriments présents dans les aliments !
Nous ne sommes pas si scientifiques ! Ce que nous mangeons, au fond, c’est plutôt l’idée que nous nous faisons des nutriments. Ce sont des symboles évocateurs, avec des nuances pour chacun.
Le gras, c’est le goût, c’est ce qui tache ou la cellulite.
Le sucre, c’est la douceur, la gourmandise… ou bien le dentiste.
Quant à la vitamine C, on nous l’a tellement présentée comme dynamisante ! Du coup, certains pensent qu’elle est excitante et craignent de ne pas dormir s’ils prennent un jus d’orange le soir. En sommes-nous tellement sûrs ?
Évidemment, nos croyances alimentaires contiennent des parts de vérité.
C’est important de bien manger pour mieux grandir, avec ou sans soupe. Il y a du fer dans les viandes rouges qui évite l’anémie, et du phosphore dans la cervelle qui est bien utile pour que nous « phosphorions » !
Mais quand l’idée qu’on devient ce qu’on mange sert d’avertissement pour nous persuader de manger des bonnes choses et d’éviter la malbouffe, sa portée est plutôt limitée.
C’est un peu comme pour les régimes. Sauf pour des motivations médicales aiguës, les bonnes intentions des régimes, notamment pour le poids, ne durent pas longtemps.
Pas plus que des mangeurs scientifiques, nous ne sommes pas des mangeurs raisonnables.
Si l’on est persuadé de devenir ce que l’on mange, c’est surtout pour ce que les aliments signifient pour nous, et c’est une idée très très puissante !
Elle détermine tout simplement notre envie de manger selon ce à quoi la nourriture nous fait penser.
Si un aliment ne nous inspire pas, nous n’avons aucun goût à l’avaler. Nous en éprouvons même du dé-goût, qu’il s’agisse de sa composition, de sa provenance d’hygiène douteuse ou de comment il a été cuisiné.
C’est pourquoi j’aime beaucoup cette phrase connue de l’anthropologue Claude Lévi-Strauss, selon laquelle « pour être bon à manger, un aliment doit être bon à penser« .
Et au-delà de l’envie de manger, l’idée qu’on a de nos aliments fonde notre identité de mangeur, et quelque part, notre identité tout court. Une identité qui s’affirme face à nos amis qui n’aiment pas les mêmes choses que nous :
Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es.
On devient ce qu’on mange, c’est le B.A.-BA du marketing alimentaire. Et nous sommes, qu’on le veuille ou non, de bons clients des publicités, par la force des symboles qu’elles nous promettent d’incorporer :
> de la pureté, si l’on nous montre des images d’eau claire ou d’un bébé.
> des qualités authentiques avec un feu de bois et un bivouac entre père et fils.
> une forme éclatante avec l’image de sportifs en pleine action,
> ou un accomplissement social en nous montrant un repas convivial et joyeux.
Ces images fortes stimulent ou entretiennent nos références et nos croyances de mangeurs.
Et même ceux et celles parmi nous qui s’estiment détachés des publicités n’échappent pas à ce fonctionnement fondamental : nous sommes tous des mangeurs d’imaginaires.
Qu’on fasse ses courses au discount alimentaire, en drive ou au marché, qu’on mange à la cantine ou au restaurant, cuisiné maison ou tout prêt : nous sommes des mangeurs d’imaginaires.
Et nos imaginaires alimentaires façonnent nos habitudes, nos goûts, le rapport aux aliments que nous incorporons et digérons… et ce que nous en attendons.
Alors si on commence à changer la cuisine et les repas, avec plus de diversité, notamment végétale, en espérant que ce soit bon, que ça marche, que ça plaise et que ça dure, une question centrale sera :
quel imaginaire promettent nos plats ?
Sont-ils bons Ă penser ?
Quelle identité promettent-ils d’incorporer pour être désirables ?
C’est ce dont nous parlerons dans la seconde partie de ce podcast. À très bientôt.
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