Dans ce podcast, le formateur Gilles Daveau explore la croyance selon laquelle « on devient ce qu’on mange ».
Bien au-delà des nutriments, ce que nous mangeons reflète nos idées, nos valeurs, nos identités.
Viande, soupe, légumes… chaque aliment porte une charge symbolique qui influence nos choix.
Retrouvez la première partie de ce podcast ici
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Webinaire gratuit les 5 & 6 mai 2025 :
« Cuisiner les légumes »
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Lundi 5 mai Ă 12h30
Mardi 6 mai Ă 20h00
Vous écoutez un podcast de Gilles Daveau, cuisinier et formateur pour Alternative Cuisine.
Il faut manger de la cervelle pour devenir intelligent. Deuxième partie
Dans la seconde partie de ce podcast, reprenons cette idĂ©e que nous sommes des mangeurs d’imaginaires.
Voyons ce que ça nous dit sur notre capacitĂ© Ă apprĂ©cier des aliments et des plats avant mĂŞme que n’intervienne le goĂ»t, avec un focus sur ce que ça implique quand on veut Ă©voluer vers plus de vĂ©gĂ©tal en cuisine et dans les habitudes alimentaires d’une manière qui soit dĂ©sirable par les mangeurs.
Dans la première partie, on a rappelĂ© cette idĂ©e très commune qu’on devient ce qu’on mange : l’idĂ©e que nous nous faisons des aliments construit notre identitĂ© de mangeur. Elle dĂ©termine notre envie de manger.
Nous avons surtout besoin que nos aliments aient une signification. Ils doivent ĂŞtre bons Ă penser pour devenir bons Ă manger.

Alors je commencerai aujourd’hui par trois petites histoires.
Lorsque j’Ă©tais traiteur, j’ai livrĂ© de très nombreuses fois des buffets repas pour des journĂ©es de travail, des sĂ©minaires. Lorsque j’apportais en direct ces buffets qui constituaient souvent des dĂ©couvertes pour les convives, j’expliquais comment nous avions cuisinĂ© ces plats, cette sauce Ă©picĂ©e, et comment s’en inspirer Ă la maison. Ou de quelle ferme venaient les produits.
Les retours des convives Ă©taient presque unanimement enthousiastes, mĂŞme s’ils n’avaient pas Ă©tĂ© demandeurs.
Mais lorsque je devais livrer les mĂŞmes prestations sans les prĂ©senter, les organisateurs tĂ©moignaient souvent qu’une partie des convives Ă©tait plus rĂ©servĂ©e. En effet, la seule identitĂ© donnĂ©e Ă leur repas, c’Ă©tait « ça vient d’un traiteur vĂ©gĂ©tarien ».
En deuxième exemple, j’ai un ami musicien d’origine italienne. C’est un gourmand invĂ©tĂ©rĂ© qui, connaissant mon mĂ©tier, discute toujours de nourriture.
Il n’a pas d’accent, mais quand il vous parle d’une huile d’olive ou de roquette au parmesan, plissant les yeux et dĂ©ployant ses doigts en Ă©ventail devant ses lèvres, vous ĂŞtes instantanĂ©ment en Sicile. Et pour un peu, vous enlèveriez un pull !
Et quand il vous dĂ©crit un plateau de fruits de mer, vous avez dĂ©jĂ les pieds dans l’eau, sentant la brise fraĂ®che et les embruns iodĂ©s : a-t-on pensĂ© Ă emporter du citron, du pain, du beurre ?
La troisième histoire, je la raconte aux cuisiniers des collèges qui témoignent de leur difficulté à servir un repas végétarien hebdomadaire aux jeunes.
Je leur dis que quand ils sortent en ville avec les copains, il leur arrive d’aller prendre un sandwich amĂ©ricain ou un kebab, ou parfois de partager, comme ils adorent les fritures, des falafels bien dorĂ©s, des boulettes de pois chiche au sĂ©same et aux Ă©pices dans un pain galette moelleux.
Ce jour-lĂ , les collĂ©giens ne mangent pas vĂ©gan sans viande ou des cĂ©rĂ©ales et des lĂ©gumineuses? Non, non, ils mangent des falafels en ville avec des copains et c’est ça leur identitĂ©.
VoilĂ des exemples d’aliments bons Ă penser, bons Ă manger pour les personnes concernĂ©es.
Alors puisque c’est un fondement de notre fonctionnement humain, quelle idĂ©e ou quelle identitĂ© vont incorporer nos mangeurs, si nos plats changent leurs repères?
Bien sûr que ce doit être bon, mais pour cela il faut pouvoir concevoir que ça peut être bon.
Comprenez-moi bien si on veut accroĂ®tre la place du vĂ©gĂ©tal, c’est une très mauvaise mĂ©thode que de dĂ©finir ce qu’on prĂ©pare par l’absence ou la diminution de la viande. Quelle drĂ´le d’idĂ©e!
Ça ne parle qu’aux personnes qui s’identifient Ă cela. Les autres entendent « enlèvement » ou « jour sans viande » avec l’idĂ©e d’un rĂ©gime et ils ne peuvent pas s’identifier Ă un rĂ©gime.
On ne peut pas dĂ©finir un repas par l’aliment qu’il n’y a pas.
Si on devient ce qu’on mange, on ne peut pas incorporer et devenir une absence.
Cependant, l’impression n’est plus du tout la mĂŞme si on propose des lasagnes aux aubergines Ă la fĂŞta qui nous parlent de MĂ©diterranĂ©e et de soleil, ou un gratinĂ© de blĂ© noir Ă l’embeurrĂ©e de chou qui nous parle de la Bretagne et de valeurs paysannes.
Qu’il y ait ou non un peu de poisson ou un peu de lardon avec, ça n’est pas un sujet. Le nom est Ă©vocateur, il alimente dĂ©jĂ notre imaginaire.
Et si demain, la cuisine met en scène des lĂ©gumineuses ou des cĂ©rĂ©ales, n’argumentez pas sur la qualitĂ© nutritionnelle des graines : mon voisin m’a dit que des graines, il en donnait Ă ses poules, et qu’il n’est pas une poule !
Ce ne sont pas des prescriptions qu’on a envie d’avoir dans la bouche ! Ces aliments ont bien d’autres rĂ©cits et histoires gourmandes Ă nous raconter.
Dans mon mĂ©tier de passeur de cuisine alternative, j’en partage beaucoup.
Des histoires immémoriales, parfois enjolivées, du sarrasin ou du millet, des fèves et des haricots.
Ou cĂ´tĂ© lĂ©gumes, en parlant par exemple du caractère gourmand des lĂ©gumes-bulbes qui rĂ©vèlent leurs sucres quand on les surcuit jusqu’Ă les confire ! C’est bien pour ça qu’on commence souvent les cuissons par des oignons sans avoir Ă les caramĂ©liser.
Tous ces rĂ©cits captent incroyablement l’attention, mĂŞme des plus viandards, quand on ne vient pas contester leur identitĂ© d’amateurs de viande. Et ça transforme leur disposition.
Pour ĂŞtre apprĂ©ciĂ©s dans des repas plus variĂ©s, ces aliments vĂ©gĂ©taux doivent d’abord Ă©veiller les imaginaires et l’intention doit ĂŞtre sans Ă©quivoque : elle est gĂ©nĂ©reuse et non privative !
Il s’agit d’enrichir les repas en diversitĂ© et en variĂ©tĂ© de goĂ»ts.
D’amĂ©liorer la qualitĂ© aussi, y compris pour les produits animaux. Et c’est ce sens que doivent retrouver nos mangeurs.
Pas besoin de sophistication gastronomique ! Le nom du plat, la manière d’en parler, la prĂ©sentation ou la prĂ©sence d’un ingrĂ©dient particulier peuvent stimuler des imaginaires communs.
Et ce sont ces imaginaires que nous avons envie d’avaler.
L’imaginaire affectif est peut-ĂŞtre le plus fort.
Il Ă©voque la famille, les amis, les racines ou les envies. Le souvenir d’une ferme ou d’un producteur du marchĂ©. C’est la gougère de la grand’mère. Ou la tarte « cĂ©venole », quels qu’en soient les lĂ©gumes, mais avec du chèvre, parce que lĂ -bas dans les CĂ©vennes, une Ă©leveuse m’avait appris Ă traire ses bĂŞtes.
L’imaginaire voyageur est très puissant.
Il parcourt les rĂ©gions ou les cuisines du monde porteuses d’identitĂ©s fortes.
Les lĂ©gumes Ă l’Ă©touffĂ©e, ça n’est pas la mĂŞme chose quand ils s’appellent tajine et dans les lĂ©gumes au wok, vous entendez wok et Asie.
L’imaginaire tout court !
Comme celui des enfants qui, en mangeant le gratin de Jack, s’imaginent dĂ©jĂ grimpant les branches du haricot magique. Ils s’en fichent que la sauce soit aux haricots, de toute façon, elle est bonne.
Ou ces personnes âgĂ©es qui refusent les lasagnes vĂ©gĂ©tariens pour, un mois plus tard, fĂ©liciter la cuisine pour les lasagnes du potager ! C’Ă©taient les mĂŞmes et c’est une expĂ©rience vĂ©cue en maison de retraite !
Et vous, vous prĂ©fĂ©rez du « t’as rien » ou l’idĂ©e d’un potager?
L’imaginaire sensoriel peut ĂŞtre dĂ©cisif.
Car nos mangeurs sont tous expĂ©rimentĂ©s et ont dĂ»ment rĂ©pertoriĂ© « le bon » et le « pas bon ». Mais avant mĂŞme de goĂ»ter, ils seront sensibles Ă l’Ă©vocation de textures fondantes, onctueuses ou croquantes, parfois aux nuances de couleur rĂ©jouissantes des lĂ©gumes. Ou plus souvent Ă des formes caractĂ©ristiques, en galettes rondes, en boulettes superposĂ©es.
Parfois, la simple Ă©vocation d’un parfum d’une Ă©pice, d’un fromage qu’ils adorent est cruciale.
Et ça peut être une viande qui prend une place de condiment rassurant. On peut parfois manger beaucoup moins de viande sans nécessairement faire des plats sans viande.
Enfin au-delĂ des imaginaires gourmands propres Ă chacun, Ă chaque moment ou contexte, je me suis aperçu aussi qu’on peut stimuler
un imaginaire plus concret et prosaĂŻque, celui de la vie quotidienne
quand on partage la dĂ©couverte d’un plat que tous ont envie de refaire, parce qu’il est tellement simple et rapide, accessible et très bon.
J’ai vu dans tous les milieux sociaux des gens qui ne rĂŞveraient pas de manger de l’avoine car ce ne sont pas des ânes ! Mais stupĂ©faits de dĂ©couvrir comment faire Ă manger en quelques minutes Ă partir de flocons trempĂ©s agrĂ©mentĂ©s de ce qu’on aime et de ce qui reste pour faire des galettes gourmandes d’une facilitĂ© et d’une Ă©conomie presque rĂ©voltantes.
Pour conclure, vous l’avez compris, nous nous identifions d’une manière ou d’une autre Ă ce que nous mangeons.
Bien sĂ»r, l’apport nutritionnel est important et le plat doit ĂŞtre bon. Mais ces plats qu’on incorpore ne se dĂ©finissent pas par la place de la viande.
Ils doivent avoir une signification propre par les idĂ©es qu’ils convoquent, auxquelles les convives peuvent s’identifier.
C’est une notion indissociable des techniques culinaires que nous pourrons explorer ensemble.
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